John Galliano : le designer déchu

24 Sep

Le verdict est tombé dans l’affaire John Galliano. Il a été reconnu coupable en septembre d’injures racistes et antisémites, ce pourquoi le juge l’a condamné à verser une amende de 6 000 euros.

Résumé d’une saga judiciaire

Rappel des faits

À la mi-février, John Galliano est vu dans un bar en train d’injurier un couple d’individus, qui portera plainte après l’intervention de la police. Une deuxième plainte sera également déposée, relativement à une autre affaire datant de 2010.

L’affaire s’est envenimée lorsque le journal britannique The Sun a publié sur son site Internet une vidéo montrant John Galliano, visiblement sous l’effet de l’alcool, exprimer son admiration pour Hitler et insulter d’autre personnes.

Début mars, après la diffusion de cette vidéo, LVMH, le groupe qui détient Dior, décide de licencier John Galliano, à la fois de Dior et de sa marque éponyme.

À l’issu du procès, John Galliano risquait 22 500 euros d’amende et six mois de prison. Le tribunal a plutôt opté pour une sanction modérée, puisque John Galliano a présenté ses excuses aux victimes. Il s’est également investi dans une cure de désintoxication. Il a également nié tout racisme et antisémitisme.

« Je ne pouvais plus aller au travail sans prendre de cachets. »
– John Galliano

Pendant le procès, John Galliano a révélé avoir d’importants problèmes d’alcool et de drogue, en l’occurrence des médicaments, dont des somnifères et du valium. Il a confié avoir développé une sérieuse dépendance après la mort de son père en 2005 et la mort d’un ami en 2007, qui était un collaborateur très proche. Cette triple dépendance expliquerait pourquoi il dit n’avoir aujourd’hui aucun souvenir des propos qu’il a tenus et pour lesquels il a été reconnu coupable.

La pression d’être John Galliano

Être la tête d’affiche de Dior vient avec son lot de responsabilités. « L’empire Dior, c’est le joyau du groupe LVMH, explique le rédacteur en chef du magazine Dress to Kill, Stéphane Le Duc. C’est un empire de plusieurs milliards, qui vient avec une pression énorme. »

John Galliano était submergé par son travail. « Quand un créateur travaille pour un grand groupe, on utilise autant le talent du créateur que sa personnalité, que sa flamboyance dans le cas de Galliano, ajoute Stéphane Le Duc. Peu à peu, quand on avance dans une carrière, on est conscient des attentes des gens. La barre est toujours plus haute. Cette pression augmente et fait qu’on peut parfois perdre ses moyens. »

LVMH était pourtant prévenu du caractère extravagant de son employé, mais n’a jamais pensé que la situation pouvait dégénérer. « La maison Dior comprenait que ça faisait parti du personnage, croit Stéphane Le Duc. Tous les génies ont des excentricités. Ils acceptaient ce fait et étaient relativement peu inquiets. Peut-être qu’au cours des dernières années, ils avaient remarqué une plus grand angoisse et un comportement différent chez Monsieur Galliano, mais je n’ai pas l’impression qu’ils pouvaient se douter d’un côté plus agressif. »

Une décision précipitée ?

John Galliano a eu un impact majeur pour Dior. Il a rajeuni, ravivé et recentré l’intérêt médiatique sur la marque. Il a réécrit la légende Dior. En procès, il a affirmé que cette histoire concernait l’homme et non la griffe, mais comme le croit Stéphane LeDuc, LVMH n’avait pas d’autre choix. « Leur décision, même si elle était stricte, sévère et très dure, était un choix incontournable, dit-il. Socialement, ils n’avaient pas le choix. »

Par ailleurs, les grandes marques européennes, comme Chanel et Dior, ont traversé la Seconde Guerre Mondiale. Toute situation d’antisémitisme reste donc très sensible pour eux.

Christian Dior est celui qui a ressuscité la Haute Couture à Paris, après la Seconde Guerre Mondiale. Il voulait revenir à des jours meilleurs, à la paix du début du 20ième siècle, soit les valeurs profondes de la maison.

« Les valeurs de la maison Dior sont surtout des valeurs traditionnelles de la société, explique la professeure à l’École supérieure de mode de Montréal, Bernadette Rey. C’est la famille, le raliement, la fraternité. Christian Dior lui-même avait des valeurs profondes. La maison Dior est nostalgique de la Belle époque et donc de la paix. Galliano devait respecter ce qu’est la maison Dior, c’est-à-dire la nostalgie de la Belle époque. »

Cliquez ici pour entendre Bernadette Rey au sujet de l’héritage de John Galliano chez Dior

Qui succédera à John Galliano ?

Pour LVMH, pas question de se précipiter dans la prise de cette décision. Stéphane Le Duc le comprend. « Aller trop vite vers un changement pourrait choquer certaines personnes, explique-t-il. [Galliano] n’est pas non plus facile à remplacer, par son talent, son imaginaire et la force qu’il avait, qui est assez unique dans le monde de la mode. Ils ne doivent pas faire d’erreur non plus avec le prochain choix. »

Pour le moment, les collections sont créées par l’équipe interne, sauf pour Dior Hommes qui est sous la supervision de Fabrizio Malverdi.

Les spéculations vont toujours bon train quant au remplacement de John Galliano. LVMH dit avoir reçu une centaine de candidatures. Plusieurs noms ont été évoqués dans les médias, que ce soit Hedi Slimane, qui a déjà été directeur artistique chez Dior Hommes, Alber Elbaz, de Lanvin, Riccardo Tisci ou encore Sarah Burton, maintenant chez Alexander McQueen. Marc Jacobs est aussi l’un des noms qui revient souvent.

LVMH a deux choix: chercher un directeur artistique dans une autre maison de couture, ce qui entraînera tout un jeu de chaises musicales dans l’industrie de la mode, ou recruter un nouveau visage.

La marque John Galliano dépourvu de son créateur

La griffe John Galliano, même si elle a été crée avant l’embauche du créateur chez Dior, est détenue à 91% par LVMH, ce qui explique pourquoi John Galliano y a aussi été licencié. Pour le remplacer, Bill Gaytten, l’ancien bras droit de John Galliano a été nommé.

Cliquez ici pour écouter Stéphane Le Duc au sujet de l’ ironie de cette situation

LVMH a toutefois évoqué la possibilité de vendre ses parts de John Galliano à des investisseurs italiens.

Quel avenir pour John Galliano ? Écoutez ce qu’en pense Stéphane Le Duc

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